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Qui dirige l’ASE ?

Ladji est ivoirien, 17 ans, a vécu la prison libyenne, traversant la mer, la fuite, la peur et la solitude, mais il donne peu d’importance à tout cela. Aujourd’hui, il est logé dans une famille à Romagnat et a commencé sa reconstruction… Témoignage d’un adolescent qui préférait l’amour…

14h, il est presque beau ce mercredi à Romagnat, il est assez rare de l’écrire… Nous attendons l’annonce du couvre-feu. L’air est sueur, l’atmosphère est morose. Dépressions ambiantes. Dans une impasse, une coquette maison accueille un bonheur qui est saupoudré de soda d’hibiscus. Sylvie accueille. Avec une tendresse et une hospitalité inégalées, l’ancien professeur sort 3 verres, met son masque et nous installe sous la véranda. Ladji sort de sa chambre, prêt pour l’interview. Avec nonchalance mais grande politesse, il offre un verre de sa boisson préférée qu’il trouve dans une boutique africaine à Clermont. Ladji arrive de Côte d’Ivoire. Il y vivait avec sa mère, dans une grande précarité, le point qu’il ne pouvait poursuivre ses études. Il cherche alors un emploi, sortant de la troisième. Il va à une agence pour s’inscrire. En février 2018, exactement le 14, alors qu’avec sa mère, le 14ème âge romantique regarde les jolies fleurs destinées à l’amour, il reçoit un appel. On lui a trouvé un boulot, mais on va devoir partir, le boulot est dans un pays du Maghreb. Il en parle avec sa mère, pas sans larmes ou hésitations. Puis, parce qu’ils sentent qu’ils n’ont pas d’autre choix, le jeune Ladji monte dans un bus quelques jours plus tard, vers l’inconnu.

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« La prison en Libye n’est pas dit… »

Ladji

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Sa mère, sans ressources, ni même maison (elle est alors hébergée avec sa sœur) l’accompagne. Ils sont tous deux surpris de voir que dans le bus, ce sont surtout des filles. Ladji part alors. S’éloigne de sa mère, sans savoir quand il la reverra. Il n’a que 14 ans mais c’est le seul homme qui puisse aider sa mère… Les filles vont à Maroc, il doit rester. On l’atterrit ailleurs. En Libye. Il doit être un maçon. Ladji refuse. Il est malade, a un traitement pour guérir sa poitrine, ce travail, il ne peut pas. Il est alors emprisonné. Nous sommes en mars 2018. « On ne dit pas à la prison. On n’avait pas de lit. J’étais un enfant. J’ai été empilé avec d’autres dans une pièce sans toilettes. J’ai mangé parfois, mais pas souvent. Ils ont mélangé de l’eau, de la pâte et un peu de sel… » Mais Ladji ne s’attarde pas. Il préfère parler de son tuteur, un Africain qu’il a rencontré lorsqu’il a atterri en Libye et qui finit par le retrouver en prison en mai. Il lui a dit cette terrible phrase : « Ladji, arriver en Libye est très difficile. Mais sortir de ce pays est impossible. » L’enfant l’a supplié. « Je lui ai dit que je souffrais trop, que je voulais appeler ma mère, lui dire que j’allais bien. Je voulais retourner en Côte d’Ivoire. Je ne savais pas que ce monde existait. Je pensais juste aller travailler. » Son tuteur parvient à le sortir de prison et lui offre de dormir une cabine en bord de mer. « J’ai rencontré quelqu’un qui est devenu mon ami là-bas. Je me sentais mieux. Chaque matin, mon tuteur m’a apporté de la nourriture. » À la fin du mois de mai, c’est l’heure d’adieu. Son tuteur l’emmène sur un bateau. Il le paie pour son trajet, lui souhaite bonne chance. Ladji arrive en Italie. « J’ai fait de l’italien à l’école. Et pour moi, seules les classes comptent. Je voulais étudier. »

« Quand ma mère a entendu ma voix, qu’elle n’avait pas entendue depuis 4 mois, elle a crié au téléphone »

Nous l’avons mis dans une maison pour jeunes migrants. Il passe tous les examens de la langue italienne avec brio. Il pourra entrer dans un lycée au début de l’école. Il parvient à appeler sa mère qui est restée 4 mois sans nouvelles. Nous sommes juin 2018. « Entendant ma voix, elle a crié, je lui ai dit que j’allais bien, mais je ne lui ai pas parlé de prison, je ne lui en parlerai jamais. » confie le jeune garçon qui rebondit à nouveau en parlant de choses gaies : « Je sympathise avec la bonne, nous parlons des heures de bonne nourriture. Un jour elle me dit que ce serait mieux pour moi si je quitte l’Italie, que je n’ai pas d’avenir là-bas. » Ladji réajuste son masque sur son nez. Il manque d’air, comme s’il se souvenait de ce souffle d’angoisse ressenti ce jour-là. Puis il se souvient d’avoir répondu qu’il ne sait rien d’autre que l’italien. Son nouvel ami lui rappelle qu’il parle parfaitement le français et qu’il pourra y étudier. « Elle a ajouté qu’elle allait m’accompagner à la frontière… » Elle a ensuite pris des billets de train de Ventimiglia à Nice. Le train s’arrête à la frontière. La police supervise Ladji et d’autres jeunes comme lui. On les fait dormir dans un camp. Le lendemain, on leur a donné un billet de bus pour se rendre à la gare. Ladji monte dans le premier train. Eh bien, non, pas tout à fait. Ladji adore le football, il ne connaît que quelques équipes, dont l’Olympique Lyonnais. Alors, direction Lyon… « Je connais toutes les villes de la division un », a-t-il assuré dans un sourire (masqué). Arrivant le soir, il s’endort dans la gare. Le lendemain, dans panique, il a rencontré un gentleman et lui demande de l’aider. Il s’avère que l’homme est militant à la Ligue des Droits de l’Homme de Clermont-Ferrand « Où est-ce ? Je le fais répéter, tu n’es pas une grosse équipe de football, et à l’époque je ne sais rien du rugby… » taquinait Ladji. Ils arrivent un mercredi après-midi, jour de bienvenue pour la LDH. L’homme le laisse là, entre de bonnes mains. « Je ne l’ai jamais revu, je tiens à le remercier. » A l’ASE (Aid Sociale de l’Enfance), il n’y a plus de place. Il sera placé dans une famille à Royat pour une nuit. Le lendemain, il a été amené à l’hôtel. Nous sommes en octobre 2018. En mars 2019, il a passé ses examens à l’ESA pour évaluer son âge. Tant qu’il est considéré comme mineur, il sera pris en charge. Mais le travailleur social est catégorique : « Vous parlez trop bien, pour être si jeune ». Ladji ne se sent pas en colère, il jette comme à chaque fois. Mais cette décision l’empêche d’entrer à l’école, dans un cours de formation électrique. Le 28 avril 2019, il doit quittez l’hôtel. Il est dirigé dans le squat 5 étoiles, où beaucoup de jeunes échouent après avoir été jugés trop vieux pour s’occuper de l’ESA. De nombreux bénévoles du RESF, de la LDH ou du Collectif Citizen 63 aident Ladji pour qu’il puisse étudier.

Ladji est mon petit-fils

Sylvie Sylvie Couderc est une de ces personnes. Ancienne enseignante, elle donnait des cours de français. « Ladji était excellente et voulait vraiment retourner à l’école. » Nous avons ensuite réussi à l’inscrire au Lycée pro de Saint Eloy Les mines. Le directeur a aussi des mots dont Sylvie se souvient : « Il m’a dit que ces jeunes avaient une maturité contagieuse sur les autres étudiants, qu’ils étaient une ressource incroyable. Et c’est vrai que le jour où j’ai amené Ladji au pensionnat, une scène m’a frappé. Une jeune seconde comme lui pleurait derrière nous en quittant ses parents pour la semaine, j’ai relativisé avec ce que Ladji a vécu… Ils avaient le même âge, mais un chemin déjà si différent. » En septembre 2019, Ladji est retourné en classe. Il quitte le squat qui débordent, le week-end, bien sûr, Sylvie l’accueille chez lui. Elle et son mari font sa chambre. Il vient aussi s’y reposer à chaque jour férié. Noël a un goût festif. Le 18 décembre, le juge a réfuté les allégations de l’ESA et a décrété que Ladji était mineur et qu’il y avait un devoir de l’héberger et de s’occuper de lui. Sylvie a dit à l’ESA qu’elle pouvait continuer à le garder. « Nous étions encore une famille d’accueil non officielle jusque-là. » Ils vont encore plus loin en se rendant à une réunion de l’Atelier Logement Solidaire que « Cela nous permet d’obtenir 400 euros, les jeunes 90 euros et nous suivons surtout avec Christine qui nous aide dans le processus… C’est vraiment bon. » Sylvie et son mari ont décidé que les 400 euros seraient versés à Ladji. L’adolescent se contente alors avec ceux qu’il appelle maintenant Daron et Daronne. Sylvie avec une grande douceur parle de Ladji comme son petit-fils. « C’est un membre de notre famille, nous avons célébré son 17e anniversaire ensemble. »

Ladji resserre son potion magique. « Je me suis souvenu que j’ai rencontré un gentleman du Hall 32, a (Note du rédacteur en chef : école créée à Clermont par Michelin). Une fois que mes problèmes avec l’ESA ont réglé, je l’ai recontacté et après un entretien, j’ai pu rentrer en septembre d’abord dans cette école où j’apprends la gestion de la chaîne de production. C’est vraiment bon, parce que j’alterne là-bas. Donc, je travaille aussi dans une entreprise. Plus tard, je ferai un BTS à Limoges ou à Lyon. » Mais bientôt Ladji aura 18 ans, il devra encore se battre pour rester en France. À 18 ans, il pouvait aussi quitter son cocoon familial à Romagnat. « Au début, je pensais m’installer avec ma chérie, mais j’en ai beaucoup parlé avec Sylvie et Jean-Marie, ils m’ont dit qu’ils pouvaient m’accueillir jusqu’à ce que je passe le bassin. Ils ont raison, je dois rester concentré sur mes écoles. » Ladji est-elle heureuse ? « Oh oui, je ne me plains pas. Les jeunes qui sont restés dans le squat, sans repère, sans parents, sans famille, c’est tellement pire. J’ai eu beaucoup de chance. » Prison à l’âge de 14 ans, le manque de sa mère, la pauvreté ? « Oui, j’ai rencontré de grandes familles… Je me souviens de Jessica, Anne-Marie, une amie d’elle, qui était surtout comme une psychologue pour moi… et mon daron et mon daron… » Sylvie se sent touchée. « Il nous fait du bien aussi, il nous rajeunit. Nous avons un échange culturel très riche. Nous sommes très différents et avons donc beaucoup à dire les uns aux autres, à comprendre les uns les autres. Nous parlons de cuisine, de religion, je l’aide dans son travail scolaire. » Ladji cut : » Oui, tu m’as fait lire Le Cid ! Persépolis ou Petit Pays… » Sylvie le regarde, le répare, ce petit-fils d’un autre pays… Ce petit-fils pense parfois à la vraie famille. « Ça doit être terrible pour une mère de laisser partir son enfant de 14 ans. Ils ont tous deux eu un courage incroyable, ce sont les héros, pas nous… » Sylvie en toute humilité explique le rôle qu’elle a pu jouer dans la vie de Ladji. « Malgré sa grande maturité, il reste un adolescent, donc nous le conseillons, nous le supervisons. Quand il nous dit que il achètera deux paires de basket-ball, on lui dit d’en acheter une d’abord », dit-elle en riant. Ladji joue le bouleversement. Peu de temps. Comme d’habitude, il préfère la joie. « Je suis bien dans ma peau. En plus, j’ai fini toutes les formalités, j’ai un passeport maintenant. C’était une longue période. Je sais maintenant que j’ai un endroit où rentrer, et je sais que je vais rentrer chez moi. Que je ne vais plus être embarqué. Mais Ladji est toujours un adolescent donc ne peut pas m’empêcher d’ajouter : « Et puis j’ai Wifi ici !

 » Pour Sylvie, Ladji n’est pas une jeune personne qu’elle héberge, il est beaucoup plus que cela. « Nous sommes dans un monde qui ne va pas très bien. Seule la solidarité peut le sauver. Et puis au moins, Maintenant mon mari a quelqu’un pour regarder les matchs !

 » Ladji ne veut pas terminer l’entretien sans remercier ceux qui l’ont aidé : le gardien, l’ami du bord de mer, la femme de ménage italienne, l’homme de la Gare de Lyon, la famille de Jessica, Anne-Marie qui, selon lui, l’a sauvé de ses démons, et daron et daroness. sans colère ni haine. Parfois, j’ai encore des moments malheureux pendant lesquels je reprends mes coups durs, la prison, alors je m’enferme dans ma chambre. J’appelle ma copine. Mais je me souviens vite que s’il y avait un mot au-dessus de la chance, ce serait pour moi. Tu sais, je ne suis plus le même Ladji, j’ai grandi. Anne-Marie m’a fait demander ma colère. Je ne suis plus la même, donc j’ai de la chance. Combien restent en colère ?

 » Sylvie regarde Ladji, il propose à nouveau un verre d’Hibiscus. « Me voici au ciel… » conclut-il…

C’ est toujours bon dehors, peut-être même plus… Sûrement parce que dans cette maison, le soleil brille… Un soleil qui aime lire des livres, rire avec la famille, bananes séchées, heures au téléphone, et boire un verre bien trop sucré. Un soleil qui fuit de l’obscurité, l’absence, l’injustice et qui peut toujours compter sur daron andladaronne…

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